Quand on parle d’énergies renouvelables (EnR) et de nucléaire, un certain nombre d’idées reçues circulent et ont parfois la peau très dure. Cet été, Enercoop vous propose une série pour y voir plus clair, et démystifier - ou débunker - les idées reçues en faveur du nucléaire.
Pourquoi ce décryptage des idées reçues ?
Après avoir affirmé en 2018 vouloir fermer 14 réacteurs nucléaires avant 2035, le président de la République affiche depuis février 2022, sa volonté de relancer un programme nucléaire français.
Deux consultations publiques (1) ont été organisées entre octobre 2022 et février 2023 sur l’avenir énergétique de la France. Depuis fin octobre, nous avons informé et sensibilisé nos sociétaires à prendre part à ces débats. Plusieurs coopératives du réseau Enercoop, ont pris la parole lors des soirées-débats pour défendre le point de vue des énergies citoyennes et le scénario négaWatt (2).
Dans le même temps, un projet de loi visant à faciliter la construction de nouveaux réacteurs nucléaires et à prolonger ceux déjà en service, a été voté. Ce projet de loi est venu court-circuiter les deux consultations publiques, certes imparfaites mais qui avaient le mérite de créer un début de débat sur la question du nucléaire et du mix énergétique. Fin février nous nous sommes publiquement exprimés sur le sujet via une note de position pour dénoncer l’attitude du gouvernement qui semble avoir tranché la question de la pertinence de relancer le nucléaire avant même de connaître les conclusions des débats publics.
La Commission particulière du débat public qui organisait l’une des consultations a publié le 26 avril son compte rendu des débats dans lequel elle établi une liste assez exhaustive de demandes de clarifications adressées aux porteurs de projets du programme de 6 nouveaux réacteurs EPR 2 (EDF et RTE (3)) et à l’État, ainsi que des recommandations en matière d’information et participation du public pour les phases suivantes. Elle dénonce également le calendrier du projet de loi d’accélération du nucléaire et la présence dans ce texte de dispositions anticipant sur le contenu de la loi de programmation prévue pour cet été, en supprimant notamment l'objectif de réduction à 50 % de la part du nucléaire dans le mix électrique à l'horizon 2035. Elle a ainsi affirmé que ces éléments ont engendré une « rupture de confiance dans l’utilité même du débat ».
En principe, ces débats, ce compte rendu et la réponse qu’EDF devra faire d’ici à juillet 2023 doivent alimenter les débats parlementaires et les réflexions du gouvernement autour de la loi de Programmation Énergie Climat (LPEC). Cette loi, dont la préparation est en cours, définira la stratégie française en matière de transition énergétique et tranchera la relance ou non d’un programme nucléaire.
Le but de ce débunkage (4) est de venir compléter notre note de position en amenant des éléments plus détaillés. Il est la suite logique de ce qui avait été fait l’année dernière sur les idées reçues sur les énergies renouvelables.
Les objectifs sont les mêmes :
- Lutter contre les raccourcis trompeurs en amenant des éléments argumentés et documentés.
- Vulgariser des questions qui paraissent très techniques afin de rendre accessible à toutes et tous les débats sur les questions énergétiques.
- Informer sur la diversité des options en matière énergétique et apporter un autre point de vue dans les débats.
Énergies renouvelables versus nucléaire : telle n’est pas la question, les énergies renouvelables sont une nécessité, le nucléaire n’est qu’une option.
L’objectif n’est pas de remplacer une énergie, le nucléaire, par une autre, les sources renouvelables ni même d’opposer ces deux technologies. Le sujet n’est en effet pas sur ces points.
- D’une part car le premier levier pour la transition énergétique est la réduction de nos consommations et le changement de notre modèle pour passer d’une logique productiviste à un modèle plus sobre et plus résilient.
- Deuxièmement, nous ne pouvons opposer ces deux sources d’énergies car le développement massif des énergies renouvelables est un impératif pour parvenir à un mix électrique en phase avec l’atteinte de la neutralité carbone. La relance du nucléaire, elle, est optionnelle comme plusieurs scénarios reconnus (RTE (2), Ademe (5), négaWatt (6)) l’ont montré.
- Enfin, si la faisabilité d’un mix électrique 100 % énergies renouvelables est envisagée dans divers scénarios, celui d’un mix 100 % nucléaire n’est pas une option sérieuse. Dans tous les scénarios crédibles les capacités de production nucléaire et leur part dans le mix électrique sont amenées à décroître et seront tout au plus une option pour venir compléter les capacités renouvelables.
Les articles de la série
☞ 1er article : "Relancer le nucléaire est nécessaire pour garantir notre sécurité énergétique”
☞ 3eme article : “L’erreur a été d’arrêter de construire de nouveaux réacteurs nucléaires”
☞ 4eme article : "Arrêtons de faire peur avec le nucléaire. L’improbable est impossible"
☞ 5eme article : "Le nucléaire, une technologie au service de la démocratie"
☞ 6eme article : "Relançons le nucléaire pour sauver la planète"
☞ 7eme article : "Les déchets nucléaires ce n’est pas un problème, on sait les gérer"
Sources
(1) La première est un débat public appelé “Nouveaux réacteurs nucléaires et projet Penly”, organisé par la Commission nationale de débat public (CNDP) et animé par la Commission particulière du débat public (CPDP) autour de la construction de 6 nouveaux réacteurs nucléaires EPR 2, dont la première paire s’implanterait sur l’actuel site de Penly, en Normandie. La seconde consultation est une concertation nationale nommée “Notre avenir énergétique se décide maintenant”. Organisée par le gouvernement et les DREAL (Direction régionale de l'Environnement, de l'Aménagement et du Logement), elle s’est penchée sur le choix plus global du mix énergétique français.
(2) La transition énergétique au cœur d’une transition sociétale - 2022 - négaWatt
(3) RTE (Réseau de Transport d’Electricité) est le gestionnaire du Réseau de transport électrique à haute tension et investit pour ceci d’une mission de service public.
(4) Le néologisme débunkage désigne l'analyse critique d'un discours, d'un scénario, d'une allégation. Factuel et frontal le débunkage est l'exercice qui met à l'épreuve un récit (une théorie du complot, une pseudo-science, une thérapie illusoire, etc.)
(5) L’Ademe (Agence de la transition écologique) est un Établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) placé sous la tutelle des ministères de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, de la Transition énergétique et de l’Enseignement supérieur et de la Recherche.
(6) négaWatt est une association à but non-lucratif créée en 2001, qui rassemble une vingtaine d’experts impliqués dans des activités professionnelles liées à l’énergie, qui propose de repenser notre vision de l’énergie en s’appuyant sur une démarche en trois étapes : la sobriété, l’efficacité énergétique et les énergies renouvelables.