Tribune - Les installations de production d’électricité renouvelable ne déstabilisent pas le réseau
Ce lundi 29 avril 2019, nous publions sur le site du Monde, aux côtés d'Energie Partagée et ClienEarth, une tribune affirmant que les communautés énergétiques citoyennes ont un rôle à jouer dans la transition énergétique locale et solidaire.
Les acteurs de la transition énergétique affirment que les communautés énergétiques citoyennes jouent un rôle déterminant pour une transition conciliant implication des citoyens et des collectivités, solidarité et retombées locales, contrairement à ce qui a été écrit dans la tribune « Les communautés énergétiques citoyennes et l’autoconsommation peuvent se révéler néfastes pour l’accès à l’électricité », parue le 18 mars dans Le Monde, qui mettait en garde contre ces communautés pointant notamment des risques liés à la précarité énergétique et à l’affaiblissement du réseau national.
De plus en plus de collectivités et de groupes de citoyens développent des stratégies territoriales de transition énergétique : plus de 300 projets en France, 3 000 en Europe. Outre la production d’énergie renouvelable et la distribution, les communautés énergétiques citoyennes traitent de maîtrise des consommations, de partage de l’énergie et de précarité énergétique.
Géré de manière centralisée depuis l’après-guerre, le système électrique français doit composer avec une part croissante d’énergies renouvelables et un contexte réglementaire européen et national qui oblige au développement de services énergétiques décentralisés. Cette nouvelle approche bouscule les opérateurs historiques. Comment dès lors accueillir au mieux ces changements et permettre aux territoires souhaitant reprendre la main sur leur destin énergétique de participer à la transition ? Tout d’abord, en écartant les idées reçues.
Écarter les idées reçues
Non, les investissements nécessaires au développement des énergies renouvelables ne pèseront pas massivement sur les ménages. Il fait maintenant consensus qu’elles sont compétitives : l’Agence internationale des énergies renouvelables a par exemple montré qu’elles seraient les moins chères dès 2020.
Non, la décentralisation de la gestion du réseau n’est pas responsable d’un coût plus élevé du kWh en Allemagne. Ce pays a choisi de privilégier la compétitivité de son industrie, qui paie en moyenne son électricité bien moins cher que les ménages. Et si le kWh est plus cher pour les ménages allemands, ils consomment moins d’énergie que les Français et y consacrent la même part de leur budget.
Non, les initiatives locales ne conduiront pas à une augmentation de la précarité énergétique, dont la cause première demeure le défaut d’isolation des « passoires énergétiques » et les inégalités sociales. Fin 2018, le gouvernement a reconnu que la France n’atteindra pas avant 2026 son objectif européen de baisse de consommation énergétique pour 2020.
Respect de l’accord de Paris
Plutôt que de mettre en œuvre les moyens réglementaires et financiers pour atteindre l’objectif de 500 000 rénovations performantes par an fixé dans la loi de transition énergétique, le gouvernement cède à la tentation de « casser le thermomètre » en modifiant les définitions de la performance énergétique des logements. Cette stratégie ne changera pas le constat que les vraies solutions se construiront localement, notamment via l’accompagnement des ménages par des conseillers spécialisés et la formation d’artisans.
Non, les installations de production d’électricité renouvelable ne vont ni déstabiliser le réseau ni décupler ses coûts d’entretien. Elles participent à son équilibre et leur développement constitue un « impératif en matière de sécurité d’approvisionnement », selon le bilan prévisionnel 2018 de RTE (Réseau de transport d’électricité). Enedis, qui a un rôle essentiel à jouer en ce sens en adaptant le réseau de distribution, a d’ailleurs prouvé sa capacité d’innovation en la matière : le projet SMAP expérimente le développement de l’électricité renouvelable au sein du premier démonstrateur de réseau intelligent rural.
Non, les communautés énergétiques ne sont pas systématiquement synonymes d’autoconsommation. Cette dernière se développe très peu en France en raison de sa complexité et de sa rentabilité très faible. La plupart des projets ne sont pas des microréseaux séparés. En outre, 5 % du réseau, interconnecté avec les 95 % restant gérés par Enedis, est déjà géré par des acteurs locaux sans que cela ne remette en cause la mutualisation du réseau.
Rôle des institutions européennes
Les institutions européennes ont reconnu la contribution des communautés énergétiques citoyennes à la transition énergétique et les ont inscrites dans le paquet « une énergie propre pour tous les Européens » qui vise au respect de l’accord de Paris. Les principes qui leur seront applicables sont notamment la non-discrimination, l’obligation de collaborer avec l’opérateur de réseau de distribution ou encore la participation « adéquate et équilibrée » aux coûts du réseau. Certains pays ont adopté des objectifs en la matière comme les Pays-Bas avec l’engagement que 50 % de chaque nouveau projet d’électricité renouvelable soit détenu localement.
Le maintien de la mutualisation et de la péréquation relève d’une décision politique qui peut et doit être garanti indépendamment de la décentralisation de la gestion du réseau. Les communautés énergétiques démontrent la pertinence de projets à gouvernance collective et à finalité non lucrative avec réinvestissement local des profits. Jamais elles ne devront rimer avec chacun pour soi.
La participation des citoyens est une condition indispensable pour concilier solidarité, acceptabilité, accès à l’énergie pour tous et développement résilient des territoires. Nous souhaitons la construire avec l’ensemble des acteurs.
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