Les communautés énergétiques : définition des futurs moteurs européens de la transition énergétique citoyenne
Depuis quelques mois, une notion est de plus en plus fréquemment reprise pour désigner les projets citoyens : les communautés énergétiques. D’où vient cette appellation ? Que recouvre-t-elle ? Va-t-elle impacter le cadre réglementaire encadrant le développement des projets citoyens ? Nous vous proposons d’apporter un éclairage à ces différentes interrogations afin de vous permettre d’appréhender et de faire usage au mieux de cette terminologie en plein essor.
Les communautés énergétiques, petites nouvelles du droit européen – et bientôt du droit français
En 2019 a été finalisé au niveau européen le paquet intitulé « Une énergie propre pour tous les Européens ». Parmi les nombreux textes qui composent ce paquet législatif, deux vont retenir notre attention ici : la directive « Énergies renouvelables » et la directive « Marché de l’électricité ». La première définit les communautés d’énergie renouvelable (CER) quand la seconde précise les contours des communautés énergétiques citoyennes (CEC).
L’apparition de ces deux définitions est inédite puisque ces dernières reconnaissent pour la première fois au niveau européen l’existence et la particularité que sont les projets et structures qui composent le mouvement de l’énergie citoyenne en Europe. Ces définitions doivent, qui plus est, permettre de mettre en place des mécanismes de soutien adaptés à ces initiatives.
Comme toute directive européenne, elles doivent à présent être introduites, transposées, en droit français. Après avoir entamé partiellement ce travail de définition des communautés énergétiques avec la loi « Energie climat » en fin d’année dernière, l’administration française finalise et complète actuellement la transposition des dispositions relatives aux communautés.
En tant que pionnier de l’énergie citoyenne en France, Enercoop travaille depuis plusieurs mois aux côtés de ses partenaires français et européens (REScoop.eu, Energie Partagée,…) pour que ce travail de transposition prenne en compte le cadre français existant et les spécificités des projets citoyens.
Les communautés énergétiques en cinq mots clés
La lucrativité limitée : une communauté énergétique est une entité juridique dont le principal objectif est de proposer des avantages communautaires environnementaux, économiques ou sociaux à ses membres ou actionnaires ou aux territoires locaux où elle exerce ses activités, plutôt que de générer des profits financiers.
Le panel d’activités : une communauté énergétique peut produire, consommer, stocker et vendre de l'énergie renouvelable.
Les membres éligibles : peuvent participer à la gouvernance d’une CER et d’une CEC les personnes physiques, les collectivités territoriales et les petites et moyennes entreprises. A noter qu’il n’y a pas de limitation particulière concernant la participation « simple » (c’est-à-dire sans accès à la gouvernance) à la CEC.
La participation ouverte et volontaire : afin d’assurer une large participation aux communautés, toute personne physique ou entité respectant les critères d’éligibilité doit pouvoir devenir membre d’une communauté, et s’en retirer quand elle le souhaite.
Le contrôle effectif : seuls les membres répondant à des critères plus stricts pourront exercer le contrôle effectif au sein de la communauté. En effet, les citoyens et les collectivités doivent être en mesure de contrôler et sécuriser les décisions stratégiques. Les entreprises, quant à elles, devront voir leur participation soumise à des conditions précises. Un traitement particulier devra être réservé aux entreprises respectant les principes de l’économie sociale et solidaire (agrées ESUS[1]) dans la mesure où elles respectent par nature le cadre établi par les directives.
Les Communautés énergétiques renouvelables (CER), un sous-ensemble des Communautés énergétiques citoyennes (CEC)
Si les CER et CEC ont beaucoup en commun, il apparaît que les CER se caractérisent par des critères additionnels et plus robustes concernant :
- La qualité des membres composant la communauté d'énergie renouvelable : la CER est exclusivement composée de personnes physiques, de collectivités et de PME, contrairement à la CEC – qui peut être composée de grandes entreprises par exemple, pour ce qui est de la participation « simple » ;
- L'autonomie : la CER doit être régie par les principes de gouvernance démocratique que l’on retrouve notamment dans les coopératives, tels ceux en vigueur dans les coopératives du réseau Enercoop. La CER doit donc être autonome, non seulement vis-à-vis des autres acteurs du marché, mais également vis-à-vis de ses propres membres.
- La notion de proximité : les membres éligibles au contrôle effectif de la CER doivent nécessairement être situés à proximité des projets d’énergie renouvelable portés par la CER. La notion de proximité reste à préciser mais pourrait être entendue à l’échelle du département et des départements limitrophes.
Une autre différence réside dans le panel d’activités plus large que peut mener une CEC par rapport à une CER : une CEC peut en effet, en principe, exercer des activités de distribution et proposer des services énergétiques.
Pour résumer, à la lumière de ces différences, l’on peut considérer les CER comme un sous-ensemble des CEC.
Et maintenant ?
Une fois que ce travail sur les définitions sera achevé, probablement dans le courant de l’année 2020, la France devra élaborer des mesures de soutien pour permettre aux communautés d’agir sur un pied d’égalité avec les autres acteurs du marché de l’énergie, conformément aux dispositions des directives européennes.
Enercoop et ses partenaires vont ainsi continuer à être force de propositions en s’appuyant sur leur expérience et leurs connaissances en matière de réappropriation citoyenne et locale de l’énergie. L’enjeu est particulièrement important car l’élaboration de ce nouveau cadre juridique et des mesures qui s’ensuivront doivent permettre d’accélérer la dynamique de l’énergie citoyenne.
[1] L’agrément ESUS, ou Entreprises Solidaires d’Utilité Sociale, est attribué par l'Etat aux entreprises