Projet de loi Energie-Climat : un accord mi-figue, mi-raisin
Fruit de débats de deux mois à l’Assemblée nationale puis au Sénat, le texte adopté définitivement par les sénateurs le 26 septembre dernier est en demi-teinte.
Présenté le 30 avril 2019 en Conseil des Ministres, le texte initial se composait de 7 pages. Les lectures successives, et les dépôts d’amendements qui les ont accompagnées, ont fait mûrir le projet de loi, aujourd’hui riche de 85 pages. Ce texte étoffé a fait l’objet d’un accord fin juillet entre députés et sénateurs, puis d’un vote à l’Assemblée nationale le 11 septembre et au Sénat le 26 septembre. De manière générale, malgré quelques mesures qui méritent d’être soulignées, l’ambition des grandes orientations structurantes manque à l’appel.
Quels sont les grands objectifs contenus dans le projet de loi ?
La modification la plus symbolique est celle repoussant à 2035 l’objectif de 50 % de la part du nucléaire dans la production d’électricité en France, la LTECV ayant fixé cette échéance à 2025. Cette mesure suppose de prolonger de 10 à 20 ans le parc actuel, et ce alors qu’aucune étude de faisabilité technique n’a été conduite.
Le texte consacre la date cible de 2050 pour l’atteinte de la neutralité carbone, se traduisant par une division par un facteur minimal fixé à 6 du taux d’émission de gaz à effet de serre. Bien que louable, cet objectif n’est malheureusement pas assorti d’une révision de l’objectif pour 2030. La France conserve donc un objectif de 40 % de baisse des émissions de GES en 2030, bien insuffisante pour rester sous 1,5°C de réchauffement global.
Toujours à horizon 2030, la part de production d’énergie renouvelable devra s’élever à 32 % de la consommation brute. Cet objectif, rehaussé à 33 % à la demande de la Commission européenne, est un signal très positif qu’il est important de souligner. Espérons seulement que la France sera meilleure élève en 2030 qu’aujourd’hui : pour atteindre son objectif de 23 % d’EnR d’ici 2020, la France devrait avoir atteint aujourd’hui 20,5 % d’EnR dans sa consommation brute, or ce taux s’élève à seulement 16,5 % en 2019.
En matière d’économies d’énergie, le projet de loi confirme l’objectif de baisse de 20 % de la consommation d’énergie en 2030 par rapport à 2012 et y associe un objectif de baisse de 7 % en 2023. Fausse bonne nouvelle : cet objectif de 7 % est purement et simplement un décalage de celui fixé, et non atteint, pour 2018. A moins d’y associer des mesures complémentaires, le même scénario risque malheureusement de se répéter.
Bien que objectifs relativement ambitieux méritent d’être salués, ne perdons pas de vue que les véritables indicateurs pour une vraie ambition sont l’action immédiate et non la révisions perpétuelle par la France de ses objectifs. D’autant plus que le pays s’éloigne année après année de ses propres objectifs, comme nous avons eu l’occasion de le souligner ci-dessus. La priorité est bien de se donner véritablement les moyens de ses ambitions, en particulier en matière de rénovation des passoires énergétiques, de fermetures des réacteurs nucléaires et de mesures de reconversion professionnelle qui les accompagnent, de soutien aux énergies renouvelables notamment les projets portés par les citoyens.
Quels impacts pour Enercoop, fournisseur d’électricité verte ?
Au-delà de ces objectifs généraux, de nombreuses dispositions impacteront à plus ou moins court terme Enercoop en tant que fournisseur et acteur de la transition énergétique et citoyenne en France.
Afin que les consommateurs puissent plus aisément comparer les différents types d’offres d’électricité verte en France, l’outil de comparaison du Médiateur national de l’énergie sera enrichi, comme le soutenait Enercoop. L’outil devra en effet faire plus clairement la distinction entre ces offres, proposées par de plus en plus de fournisseurs et dont le manque de transparence nuit à la confiance des consommateurs en de telles offres.
Ce dernier point est bien constitutif d’un premier petit pas vers plus de transparence dans l’information aux consom’acteurs français souhaitant agir pour la transition énergétique en souscrivant à une offre verte. Néanmoins, les parlementaires et le gouvernement n’ont pas saisi l’opportunité offerte par le projet de loi pour réellement mettre fin à l’arène des supercheries qui caractérise le marché des offres vertes en France. Une proposition visant à interdire à un fournisseur de verdir artificiellement son électricité issue de l’accès régulé à l’électricité nucléaire (ARENH) par des Garanties d’origine afin de proposer des offres « verte », n’a en effet pas été retenue.
Quels impacts pour Enercoop, acteur de l’énergie citoyenne ?
En matière d’énergie citoyenne, le projet de loi énergie-climat prévoit la transposition, entre autres, des deux directives issues du paquet législatif « Une énergie propre pour tous les Européens » de la Commission européenne qui consacrent les notions de communautés d’énergie renouvelable (CER) et de communautés énergétiques citoyennes (CEC).
Ces dernières confèrent un cadre juridique aux projets de territoires portés localement par des citoyens, PME et collectivités souhaitant s’impliquer collectivement dans la transition énergétique. Il peut s’agir de projets de production, de partage, de stockage de l’énergie, ainsi que des projets d’aide à la maîtrise de la consommation d’énergie. La gouvernance est encadrée strictement par les principe de l’économie sociale et solidaire, à savoir la gouvernance partagée et la lucrativité limitée.
Enercoop salue l’introduction en droit européen de ces communautés énergétiques qui, pour la première fois, considère les citoyens, et non les consommateurs, comme acteurs à part entière de la transition énergétique, et leur confère des droits. En outre, les textes européens enjoignent les États membres à lever les obstacles au développement des communautés énergétiques.
Ces notions devant à présent être transposées en droit interne, le projet de loi les a définies, mais seulement partiellement. En effet, seules les CER sont définies et non les CEC. Un flou est donc entretenu, quand l’objectif des textes européens était précisément de clarifier et sanctuariser la définition des projets citoyens pour permettre leur changement d’échelle.
Le projet de loi doit à présent être promulgué et les décrets d’application rédigés. Enercoop veillera à ce que ces derniers restent fidèles à l’esprit des directives européennes précédemment citées.